Le travail est-il un moyen ou une fin ?
Le vieil adage qui affirme que « le travail, c’est la santé » semble aujourd’hui désuet. Les exemples de burn-out, de rupture, de licenciements affluent dans le milieu professionnel et semblent justement impacter négativement la santé d’une partie des travailleurs en France. Alors quelle est la place du travail dans la vie de l’Homme au 21e siècle ?
Le travail est-il nécessaire ?
Comme tout le monde le sait, le travail sert à « gagner sa vie » financièrement, mais aussi à trouver une place dans la société, une fonction. Mais aux prémices, il y a le mot latin Tripalium qui désigne un instrument de torture pour punir les rebelles, ce qui en dit long sur la notion étymologique d’esclavagisme derrière ce terme. Et puis, il y a le travail au sens labeur. Il s’agit de la nécessité de produire pour assurer sa survie. Chasser, cueillir, se déplacer, puis fabriquer des objets, cultiver, vendre. Bref, tout ce qui nous a permis de subsister jusqu’ici dans l’histoire. Sauf que dans le monde moderne, notre survie physique est déjà assurée, et les travaux « physiques » sont de plus en plus automatisés . Reste alors l’aspect social, financier et spirituel du travail.
Aspect social
Socialement, le travail répond à un besoin de reconnaissance puisque nous sommes rétribués par le travail que l’on produit et nous sentons utiles grâce à lui. Il nous attribue généralement une place au sein du groupe et contribue à notre identité sociale. Même s’il ne nous devrait pas nous définir, c’est bien souvent le cas et nous sommes souvent assimilés à notre emploi. Lorsqu’on rencontre quelqu’un, l’une des premières questions qui nous parvient, c’est : « et toi, tu fais quoi dans la vie ? ».
Aspect financier
Grâce à internet, à l’immobilier ou à l’investissement, beaucoup d’opportunités financières sont accessibles pour se libérer d’un emploi aliénant. Sauf que dans les faits cela ne représente qu’une minorité de gens, tenant compte risque engendré pour leur situation personnelle ou familiale, déclenchant cette peur primaire de se retrouver sans argent. Alors nous nous cramponnons à un emploi qui nous tient parfois en servitude, avec pour bâton le licenciement et le chômage (et le statut social qui va avec). Et ce, quitte à effectuer de gros horaires, ou à cumuler les contrats à durée déterminée.
Aspect spirituel
Au sens large, le travail devrait permettre de donner une direction à sa vie, un objectif, un but. On parle d’un travail vocation qui est aligné avec nos valeurs et nos envies. Malheureusement ce dernier cas de figure n’est pas la norme.
Enfin, le travail évoque également quelque chose de plus général, un travail sur soi, un travail au long cours qui comprend la notion de sens, de développement de soi et de la recherche d’accomplissement. La réponse à une aspiration supérieure à notre être, à une Œuvre.
Le travail et ses inconvénients dans la vie de l’Homme (avec un grand H)
Les trois inconvénients majeurs que l’on pourrait citer sont :
- La durée du temps de travail. Lorsque l’on souhaite miser sur une qualité de vie, on remarque que c’est incompatible avec une carrière professionnelle aboutie, correspondant à des horaires souvent élevés. Même travailler 8 heures par jour (soit 40 heures par semaine) signifie que l’on travaille un tiers de notre journée. Ajoutez à cela 8 heures de sommeil, et 5 heures d’intendance dans la journée, et cela laisse très peu de temps pour s’accomplir dans d’autres domaines. Surtout si l’on souhaite « décompresser ».
- Le travail salarié crée notre dépendance. Pour un salaire à la fin du mois, nous sommes enclins à nous plier à des demandes absurdes, pas dans notre intérêt ou qui ne sont pas alignées avec nous-même. Parfois nous ne prenons aucun plaisir à faire ce que nous faisons, dans le but de servir une entreprise qui ne nous estime pas réellement. En cas de licenciement, le chômage et la baisse de salaire nous menace. En ce sens, le travail crée une dépendance au revenu et nous empêche de vouloir aller au-delà.
- L’impact psychologique. Un emploi dans une entreprise nécessite de se conformer à des règles et des codes qui sont propres à la structure et qui sont, de fait, nécessaires à toute forme d’organisation. En revanche, lorsque ces valeurs, ces façons de faire, les horaires ou la qualité de vie au travail ne nous correspondent plus, c’est là que surviennent des problématiques psychologiques. Très progressivement, elles s’installent en formant stress, dépression, puis burn-out dans certains cas. Les effets délétères peuvent être durables voire permanents.
Bien heureusement, tout le monde ne subit pas ces inconvénients, mais pour ceux dont c’est le quotidien, ils peuvent peser très lourd.
Alors que nous parlons de plus en plus de bien-être au travail, les horaires ne diminuent pas, et les niveaux de stress perdurent. Peu de choses semblent changer dans le bon sens malgré une communication convaincante des entreprises à ce sujet.
Quels sont les horaires de travail des Français ?
En France, la durée légale du travail est de 35 heures par semaine. Certaines durées sont imposées comme le nombre d’heures journalières et de plusieurs jours d’affilée. Le temps de travail moyen en France est de 36,9 heures par semaine avec une durée effective de 1567 heures par année.
Mais la réalité peut être toute autre, notamment chez les cadres qui travaillent en moyenne 1904 heures par année ce que l’on pourrait rapporter à 44,9 heures par semaine. Il n’est pas rare dans cette catégorie socio-professionnelle d’observer des semaines de 60 heures et plus.
Le travail rend-il libre ?
« Arbeit macht frei » – Le travail rend libre. Avant d’être utilisé par les nazis en fronton devant les camps de concentration durant la seconde guerre mondiale, l’expression est à l’origine formulée par Heinrich Beta en 1845. Reprise ensuite par plusieurs philosophes et intellectuels, elle exprime une « loi générale de l’humanité et la condition sine qua non de toute vie et aspiration, de tout bonheur et accomplissement ». C’est ici la dimension universelle du travail qui est engagée, celle qui nos faits nous dépasser de notre égocentrisme et participer à une œuvre plus grande que soi. L’Allemagne nazie s’approprie la citation à sa manière, s’appuie dessus pour justifier ses crimes.
Il n’existe évidemment pas de réponse catégorique à cette affirmation. Et la réponse qui s’applique à vous dépend de plusieurs facteurs, comme votre alignement face à ce dernier.
Le travail peut rendre libre dans plusieurs circonstances, notamment dans le cas de l’émancipation de la femme dans l’histoire, ou dans l’accès à la consommation pour une classe de la population. C’est également le cas dans un travail intellectuellement stimulant, ou qui apporte du sens à notre vie.
Mais le travail peut asservir, lorsque l’on est dans le besoin et prêt à tout pour survivre. Cumuler plusieurs emplois, travailler à la chaîne, ou boulot étiqueté bien rangé. Tout cela contribue à créer une forme de dépendance financière, empêche d’ouvrir son horizon de pensée et permet de dissoudre les masses (Nietzsche). Pour ceux qui n’ont pas le choix, le travail est une aliénation et une servitude.
Comment se libérer d’un travail aliénant ?
Aujourd’hui plus que jamais, tout le monde ou presque a accès à la connaissance, notamment via internet. Un travail aliénant perdure souvent par nécessité de revenu. Avoir une source de revenus complémentaire en ligne, investir ses revenus intelligemment sont autant de briques à mettre au service de la libération d’un emploi aliénant. Mais ce n’est qu’une étape. Car le besoin de travail répond également à un besoin de position sociale, voire même de divertissement (Pascal). L’étape d’après c’est de trouver ce qui a du sens pour soi. Voici quelques étapes pour se sortir d’un travail aliénant.
- Prenez le temps de faire un bilan. Que ce soit un bilan de compétences ou un bilan de vous-même. Quels sont les projets dont vous êtes fièr.e.s ? Vos accomplissements personnels ? Les points forts que vos proches disent de vous ? Dressez une liste exhaustive.
- Prenez le temps de vous demander ce que vous aimez faire. Ici, l’argent n’est pas un sujet. Que feriez-vous de votre vie (quelle activité) si vous n’aviez plus jamais besoin d’argent.
- Faites maintenant une liste des choses que vous savez faire, et pour lesquelles vous seriez rémunéré.e.
- Ensuite, faites correspondre tous ces critères en balayant TRES large. Avoir une rente d’argent permet d’être plus serein face à des décisions à prendre.
- Etablissez un plan. Cela peut être une rupture conventionnelle de votre contrat pour obtenir des indemnités, une source de revenu liée au chômage et vous donner la souplesse de monter votre activité durant cette période par exemple.
Ne soyez pas intimidé.e.s par l’ampleur de la tâche, il suffit d’avancer un pas après l’autre, et de porter son attention sur le pas suivant. Faites-vous accompagner par des organismes qui sont là pour ça.
Alors, le travail, est-il un moyen ou une fin ?
Les deux, mon capitaine ! En prenant en compte le reste de cet article, plusieurs idées se dégagent. Le travail est un moyen dans le sens financier et social. Apaisant le besoin mais en en créant de nouveaux auquel répondre, le travail devient trop souvent une fin, vivre pour travailler. Pour Marx, le travail devient même notre seule fin en associant œuvre et action, définissant l’Homme en tant qu’Homme.
Se libérer d’un travail qui ne rend pas libre n’est pas chose aisée, mais nous avons la chance de vivre dans une ère où la société se transforme et son jugement aussi. Dans laquelle il est possible de se faire accompagner pour s’orienter et quérir plus de sens.
Cet article traite du sujet : Travail, moyen ou fin ?